Croix des Veuves. 21/05/99


Toi, que les pas ont guidé près de cette croix de pierre,
Avant de savourer la beauté du décor,
Avant de lancer tes regards vers la mer,
Prends la peine d’attendre, je t’en prie, fais l’effort.

Cette croix, vois-tu, est plus qu’un monument
Approche-toi ami, tu peux même la toucher,
L’érosion de sa pierre n’est pas œuvre du vent
Mais celle de larmes, sur elle, déversées.

Reste encore un instant, ne sois pas si pressé.
Ne crains point que la mer, du paysage s’égare,
Ou qu’une pluie d’orage, le ciel, vienne gâter,
Te privant à jamais du plaisir d’un regard.

Imagine une femme, sur la croix appuyée.
Une épouse de marin, une mère, peu importe.
Elle semble surgir des vapeurs du passé
Et une coiffe en dentelle, sur la tête, elle porte.

Humblement elle s’agenouille près de la croix de pierre.
Sa longue robe noire par la pluie est mouillée.
Son visage est marqué par des temps de misère
Qui se sont succédés, années après années.

Elle attend un mari, un fils ou bien un frère.
Un mousse ou un pêcheur, un marin de Paimpol.
Pourquoi est-elle si dure et cruelle la mer ?
On dirait qu’elle voudrait que ses espoirs s’envolent.

Chaque soir, pourtant, elle y jette une fleur
En implorant les saints et la vierge Marie.
Chaque soir elle attend, chaque soir elle a peur,
Puis sur la croix de pierre, épuisée, elle s’appuie.

Toi, que les pas ont guidés vers cette croix de pierre.
Savoure maintenant la beauté du décor.
Regardes, surtout regardes bien la mer.
Peut-être y verras-tu le fruit de ton effort.

Là où le soleil lance quelques derniers rayons,
Là où le ciel semble se confondre avec l’eau.
Un bateau, le vois-tu ? Au loin, à l’horizon.
Trois voiles blanches qui surgissent des flots.

C’est une goélette auréolée de brume.
Un navire perdu que l’on attendait plus.
Elle laisse derrière elle un long sillon d’écume
Elle file vers le port, la mer nous l’a rendue.


Marc MICHBO




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